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Chronique du choc entre les nations libres et qui tiennent à le rester, et le mondialisme ravageur qui cherche à les soumettre.

Les Russes piégés par la Crimée

Les Russes piégés par la Crimée

La bataille pour l'Ukraine s'est déroulée en deux manches. Dans un premier temps, les Occidentaux, se croyant assez puissants pour prendre le contrôle du pays, ont soutenu un coup d'Etat envers le président ukrainien, certes peu sympathique, mais légitimement élu. Et pour ce faire, ils n'ont pas hésité à soutenir des groupes pour le moins douteux, comme le mouvement fasciste Svoboda, antisémite et anti-russe.

La réaction russe a été rapide. Jouant sur les inquiétudes - légitimes - de la population russophones d'Ukraine, répartie dans toute la moitié est du pays, les Russes ont pris pied en Crimée, où ils possèdent une base navale. Très vite, les Criméens se sont ralliés à l'armée russe, tandis que les autres régions russophones réitéraient leur allégeance à Moscou. La Russie semblait sortir gagnante de la deuxième manche.

Mais si les Russes ont pu reprendre la main en Ukraine, ils n'ont pas su s'arrêter à temps. Ils ont joué, avec une certaine légèreté, sur le sentiment indépendantistes des populations de Crimée, majoritairement russes et désireuses d'être rattachées à la Mère-Patrie.

On peut comprendre, bien sûr, l'attachement des Russes à cette péninsule criméenne qu'ils ont conquise de haute lutte, et qui abrite le port stratégique de Sébastopol. Mais l'Ukraine est un Etat souverain reconnu par l'ONU. Vouloir en détacher un bout de territoire, c'est du séparatisme. Et c'est une arme à double tranchant.

La Russie face au piège séparatiste

Ce n'est pas la première fois que la Russie, qui reste une puissance impériale, joue sur le séparatisme. Déjà en 2008, pour s'emparer de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, elle avait envoyé ses chars à l'assaut de la Géorgie. Mais il s'agissait d'une réponse de bon aloi à l'Occident qui, quelques mois auparavant, avait accordé la même indépendance, tout aussi illégale, à la région serbe du Kosovo. On pouvait espérer qu'après ce match nul, la Russie s'abstînt de rouvrir la boîte de Pandore du séparatisme. C'était sans compter la crise ukrainienne.

L'armée russe a été accueillie avec un tel enthousiasme en Crimée que beaucoup de patriotes russes ont cru venu le moment de récupérer cette terre. Comme les anciennes puissance coloniales, la Russie est désormais prisonnière de sa conquête, qu'elle ne peut pas quitter sans froisser les sentiments patriotiques de sa population. Une bête histoire d'honneur, en somme.

Car sur le fond, la Russie ne gagne pas grand-chose en Crimée. La base de Sébastopol lui était acquise de toute manière (d'autant que le port de Novorossiyk, en plein développement, pourra bientôt servir de base de substitution), et la mer Noire n'est plus aussi stratégique qu'autrefois. Mais surtout, les Russes prennent le risques de réactiver l'indépendantisme au sein de leur propre territoire, notamment au Caucase ou les Tchétchènes s'agitent régulièrement. Tôt ou tard, Moscou devra choisir entre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (ce qui lui permettrait de récupérer la Crimée, mais impliquerait la dislocation de la Russie à long terme), ou l'intégrité territoriale des Etats (Ukraine et Géorgie comprises).

Du reste, la Russie risque de se retrouver isolée. La plupart de ses partenaires traditionnels sont méfiants vis-à-vis du séparatisme et ne sauraient le cautionner. Principale défection: la Chine, sans surprise. L'Empire du Milieu est confronté à des mouvements indépendantistes bien trop importants, que ce soit au Tibet ou au Xinjiang, pour admettre le découpage de l'Ukraine.

La Turquie non plus ne saurait soutenir la Russie, non seulement parce qu'elle craint le séparatisme kurde, mais aussi parce qu'elle s'inquiète du sort des Tatars, cette minorité turcophone de Crimée. Quant à l'Iran, il garde un silence prudent. La République islamique se méfie de son grand voisin du nord, qui avait déjà tenté de jouer sur les velleités d'indépendance des populations kurdes et azéries au temps de la guerre froide. Quant aux Etats d'Asie Centrale, la présence de minorités russes en leur sein les met potentiellement dans la même situation que l'Ukraine, dont ils ne sauraient cautionner le démembrement.

Vers une solution négociée?

La situation est donc la suivante: la Russie veut protéger ses intérêts en Ukraine, et notamment en Crimée. Et l'Ukraine veut récupérer cette région. Une solution négociée, raisonnable, verrait le pouvoir ukrainien accepter le partenariat de Moscou qui, en échange, lui rendrait le contrôle de la Crimée (tout en s'assurant que la région conserve son autonomie). C'est là la solution idéale.

Mais la réalité est plus complexe. Tout d'abord, quel pouvoir pour l'Ukraine? Il faudra probablement attendre la tenue d'élections pour espérer voir surgir un gouvernement stable. Ce gouvernement aura la tâche de se rapprocher de la Russie. Tâche aisée si les partis russophones l'emportent, mais beaucoup plus dure si c'est l'ouest du pays qui prédomine.

Ensuite, les Criméens n'accepteront pas que les Russes s'en aillent sans avoir été dûment rassurés sur leur autonomie. Il faudrait alors beaucoup de bonne volonté de la part de Kiev comme de Moscou. Sans oublier le problème de la minorité tatare, qui se méfie tant de la tutelle ukrainienne que de l'influence russe.

Il fut un temps où la France aurait pu jouer le rôle d’intermédiaire entre les différentes parties en présence. Mais en se mettant à la remorque des Américains et en soutenant les nationalistes ukrainiens les plus violents (sur les conseils d'un Bernard-Henri qui n'a visiblement aucune gêne à s'afficher aux côtés de nostalgiques des SS...), François Hollande a ôté toute crédibilité à la diplomatie française dans ce dossier. Une fois encore, l'Allemagne, qui a su se montrer plus habile, pourrait bien tirer les marrons du feu en servant d'interlocuteur privilégié entre Vladimir Poutine et les nationalistes ukrainiens. Un nouvel échec pour la diplomatie (si tant est qu'on puisse encore utiliser ce terme) française.

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