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  • : Nations Libres
  • : Chronique du choc entre les nations libres et qui tiennent à le rester, et le mondialisme ravageur qui cherche à les soumettre.
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5 février 2011 6 05 /02 /février /2011 20:41

Les Occidentaux sont bien stupides de s'inquiéter d'une possible révolution en Egypte, tout comme leurs adversaires ont tort d'en attendre quoi que ce soit. Le régime de Moubarak sera-t-il renversé, ou parviendra-t-il à se maintenir? Les prochains jours devraient nous apporter un commencement de réponse, mais quel que soit le résultat, comment peut-on croire qu'il changera quoi que ce soit de la politique étrangère egyptienne?

 

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La principale crainte des Européens et des Américains réside bien sûr dans l'arrivée possible des islamistes au pouvoir; c'est d'ailleurs sur cette crainte que joue très habilement Moubarak, en laissant entendre que les révoltes seraient orchestrées par les Frères Musulmans, et nombreux sont ceux qui, en Occident, se laissent inquiéter par ce discours. C'est, au passage, faire preuve d'une remarquable ignorance de la vie politique égyptienne, car le pouvoir politique n'y est ni laïc ni même séculier. Saddate, puis Moubarak, loin d'être un rempart à l'islamisme, ont été ses principaux promoteurs en Egypte, espérant ainsi assoir leur popularité et affaiblir leurs adversaires religieux.

D'autre part, les islamistes savent très bien composer avec l'Occident lorsque leurs intérêts sont en jeu; il suffit pour s'en convaincre d'observer le jeu de l'Arabie Saoudite. Or, la situation de l'Egypte est telle que, quel que soit le pouvoir en jeu, il n'aura aucune possibilité d'adopter une nouvelle diplomatie.



egypte2

L'aide américaine restera toujours indispensable à l'Egypte...

 


L'aide occidentale, indispensable au pays


L'Egypte, tout d'abord, est en état de dépendance alimentaire permanent; le pays le plus peuplé du monde arabe ne produit, en effet, même pas la moitié de ce qu'il faudrait pour nourrir son peuple, dont la croissance fait frémir les démographes les plus alarmistes. L'Egypte dépend donc largement des exportations étrangères pour se nourrir; les deux gros exportateurs de blés que sont la France et les Etats-Unis n'ont donc pas de craintes à avoir: l'Egypte est obligée d'entretenir avec eux des rapports cordiaux, et même les islamistes ou nationalistes les plus fanatiques ne courraient pas le risque de l'affamer pour des raisons politiques. 


Il faut ajouter à cela que la tutelle étrangère n'a jamais beaucoup gêné les Egyptiens; les Nubiens, les Assyriens, puis les Fatimides tunisiens ou les Mamelouks turcs ont ainsi pu coloniser le pays sans être rejetés, et même en devenir les maîtres absolus. Une seule condition était requise: respecter la culture et les traditions héritées de l'ère des Pharaons. Plus récemment, les Britanniques imposèrent assez facilement leur joug, tandis que Nasser lui-même acceptait la tutelle soviétique. 

Les Egyptiens, peuple pacifique et peu souverainiste, n'ont donc aucune envie de se débarrasser du tuteur américain et occidental, qui leur fournit aide matérielle, militaire et financière, et nourriture.



La stabilité de la politique régionale égyptienne


Au niveau régional, la diplomatie ne connaîtra aucun changement d'ampleur. Comme la France ou l'Inde, l'Egypte se considère comme un centre du monde, une vision héritée des Pharaons. D'où une diplomatie "multi-fronts", ouverte sur le Moyen-Orient, le Maghreb, l'Europe et la péninsule arabique. Elle est par ailleurs l'Etat le plus peuplé, et le coeur même du monde arabe, géographiquement et politiquement. 


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L'Egypte recherche une position de meneur au sein de ce monde arabe -ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le siège de la Ligue Arabe se trouve au Caire. Ce qui la pousse naturellement à la méfiance envers les autres peuples musulmans, d'autant que les invasions perse et ottomane ont laissé de mauvais souvenirs au pays. 

La Turquie ne s'y trompe pas, puisque son soutien à la révolution égyptienne est resté très mesuré: elle sait de toute façon qu'un nouveau pouvoir ne chercherait aucune alliance spécifique avec elle. Les rapports resteront bons, sans plus. Quant à ceux qui espèrent que l'Egypte se réconciliera avec l'Iran, ils seront bien vite déçus. Les Egyptiens, nationalistes, islamistes, ou socialistes, ne feront jamais confiance à leur vieux rival. 

Et, tout comme ils avaient demandé l'aide européenne contre les Perses puis les Ottomans, ils n'hésiteront pas à s'allier avec l'Occident contre l'Iran. D'où le désintérêt d'Ahmadinejad pour cette révolution -il sait de toute façon que le pays lui restera hostile.



Israel comme meilleur ennemi


Beaucoup d'antisionistes, arabes ou non, reprochent à Moubarak ses positions extrêmement conciliantes envers l'Etat hébreu. Les Frères Musulmans, notamment, réclament un changement de cap complet; mais ces belles paroles dissimulent mal une réalité simple: l'Egypte a tout intérêt à ce que le conflit israélo-palestinien se poursuive indéfiniment.


Il faut bien voir, tout d'abord, que ce monde arabe dont l'Egypte cherche à prendre la tête, n'existe qu'en opposition à Israel. Seule la critique de l'Etat hébreu parvient à mettre d'accord tous les pays de la Ligue Arabe, profondément divisés dans tous les autres domaines. Sans Israel, cette unité arabe dont rêve l'Egypte perd toute sa raison d'être.

Mais surtout, l'Egypte joue un rôle privilégié dans le processus de paix israélo-palestinien. Premier pays de la zone à avoir signé la paix avec Israel, elle se distingue en accueillant les discussions bilatérales, et en servant de négociateurs. C'est, en grande partie, ce qui justifie l'aide américaine, et permet à l'Egypte d'être courtisée tant par les pays arabes que par Israel. 


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Regrettable paradoxe: puisque l'Egypte bénéficie de ce processus de paix, elle n'a donc aucune envie de le voir aboutir. Elle perdrait en effet beaucoup d'intérêt pour les Etats-Unis et le monde arabe, tandis qu'Israel se trouverait aisément de nouveaux partenaires régionaux. La diplomatie égyptienne est habile à ce jeu; tout en soutenant Israel, elle laisse répandre un fort sentiment anti-israélien dans le monde arabe; ce qui lui permet d'organiser des négociations dont elle sait pertinemment qu'elles n'aboutiront pas. 

Par ailleurs, l'Egypte sait depuis 1967 qu'elle ne vaincra jamais l'état hébreu militairement. Il semble donc très improbable qu'un éventuel nouveau pouvoir change quoi que ce soit à cette diplomatie.




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Nicolas Sarkozy n'a pas à s'inquiéter: le successeur de Moubarak, quel qu'il soit, ne rompra pas ses liens avec l'Occident...

 

 

Il ne s'agit pas de soutenir ou de discréditer la révolte des Egyptiens; le pays rencontre bien des problèmes, qu'une révolution pourrait, ou résoudre, ou aggraver. Quid du devenir des Coptes, peuple persécuté sur sa propre terre? Quelles solutions face à l'urbanisation galopante et la crise du logement? Pourra-t-on mettre fin aux inégalités criantes et insupportables qui jettent aujourd'hui le peuple dans les rues? L'Egypte est-elle prête pour la démocratie, ou tombera-t-elle aux mains d'ou nouveau pouvoir absolutiste?

Tous ces enjeux remontent évidemment à la surface du marécage ou Moubarak et son armée les avaient enfouis. Peut-être le vieux chef pourra-t-il mettre fin à ce mouvement, et en tirer, ou non, les conséquences. Peut-être sera-t-il à son tour renversé. 


Mais quelle que soit l'issue de cette crise, les Nations étrangères ne devraient rien en attendre. L'Egypte restera ce qu'elle est: un pays cherchant sa place dans le monde arabe, tout en demeurant dépendant de l'Occident. Depuis les Pharaons, le pays s'en tient à cette ligne: accepter l'influence étrangère, s'imposer comme puissance régionale pacifique. Comment peut-on croire qu'une simple révolution suffirait à changer une diplomatie élaborée, perfectionnée et poursuivie pendant cinq millénaires?

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 01:08

Le glorieux soulèvement du peuple tunisien apporte aujourd'hui fierté et admiration à la nation française, fière de voir légitimée de nouveau l'idée révolutionnaire qu'elle inventa, admirative devant les Tunisiens capables de se battre avec fougue pour cet idéal, à l'heure où les peuples européens semblent l'avoir oublié. Là où quelques groupes médiatiques et financiers suffisent à protéger le despotisme européïste de la colère populaire, les milices armées de Ben Ali n'ont pu triompher d'un peuple déterminé à renverser la dictature qui le tenait sous son joug. L'oeuvre accomplie est admirable. Las! trop souvent les peuples, se reposant sur des lauriers chèrement acquis, se réjouissent trop vite. Et pourtant! Les Tunisiens n'ont encore rien fait; seule une réussite réelle, profonde, durable, de la Révolution pourra renforcer les peuples du monde entier dans l'admiration qu'ils leurs portent. 

 

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Il a d'ailleurs été reproché à la France son soutien à Ben Ali. La critique n'est pas infondée, mais l'on est trop sévère avec une diplomatie française et européenne finalement très rationnelle. Même si son coeur battait pour eux, la France n'avait pas à prendre parti pour les révolutionnaires tant qu'ils ne s'emparaient pas du pouvoir. D'abord, sur une question de principes, la Tunisie n'est plus un protectorat. La France n'a donc pas à se méler de ses affaires intérieures. Sur une question pratique, un tel soutien aurait délégitimé la révolution, la faisant passer pour une opération de l'étranger. 

Là où la France a pêché, c'est en ne mettant pas Ben Ali en garde contre les réactions que sa politique susciterait; le comble du ridicule étant atteint lorsque Michèlle Aliot-Marie proposa, sans honte, l'envoi de nos forces de sécurité en Tunisie -comment des CRS incapables de stopper quelques groupes de gamins braillards auraient-ils pu arrêter une révolution populaire? 

La France n'avait pas à prendre parti pour les révolutionnaires, mais pas pour Ben Ali non plus. Une attitude de réserve, en retrait, aurait été la plus intelligente. Par ailleurs, cette non-ingérence a sûrement choqué, quand on sait que notre pays se pique de faire la leçon à l'Iran ou la Côte d'Ivoire. La France a donc agi maladroitement, mais on ne pouvait pas raisonnablement lui demander de prendre parti dans un conflit purement civil.


tun01Le FMI de Dominique Strauss-Kahn aura, jusqu'au bout, soutenu la dictature de Ben Ali...


C'est donc sans soutien, sans aide d'aucune nation étrangère (du moins en apparences), que le peuple tunisien s'est libéré. Il se trouve donc seul face à son avenir, et porte la lourde responsabilité de tracer son destin. Car, ne nous y trompons pas, le départ de Ben Ali ne pèse rien à côté des dangers qui menacent aujourd'hui la nation tunisienne et son futur.


Le premier risque, évidemment, est que cette révolution se transforme en révolte de palais, et que Ben Ali soit juste remplacé par un autre oligarque, aussi corrompu, aussi autoritaire, aussi ignorant des réalités du peuple, et sûrement plus mauvais en économie (un domaine où le bilan de l'ex-président reste admirable). Bien des membres du gouvernement de Ben Ali sont restés en place, et certains pourraient être tentés de soutenir cette issue (ou même un retour du Président déchu?); les deux premières années seraient pleines de promesses démagogiques et d'apaisement de façade, avant de revenir au régime antérieur.


tun12Mohamed Ghannouchi (à droite), premier ministre de Ben Ali, reste au pouvoir malgré la Révolution.


La menace islamiste, quant à elle, a été largement instrumentalisée. Mais cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Il y a probablement beaucoup de fantasmes qui circulent sur ces groupes, que la Tunisie, de loin la nation la plus progressiste, cultivée et sécularisée du monde arabe, n'acceptera pas. Mais n'oublions pas que l'Iran de 1978 était tout aussi progressiste, et qu'un petit groupe politique peut toujours tenter de récupérer les fruits d'une révolution. Menace donc possible, mais très improbable.


tun2Rached Ghanouchi, chef des islamistes tunisiens, autrefois soutien de Ben Ali, profitera-t-il de la Révolution pour faire son retour politique?


Plus dangereuse pourrait être l'alliance des "islamistes modérés", ou démocrates-musulmans, et du centre-gauche libéral. Les islamistes tunisiens sont probablement les moins intégristes du monde arabe, assez proches de l'AKP turc. Ils ne sont donc pas un danger pour la démocratie ou les minorités. Mais, en tant que religieux, comme l'AKP, comme les démocrates-chrétiens d'Europe, ils rejettent l'étatisme autoritaire et le nationalisme. Or, ces deux facteurs sont indispensable pour stabiliser une jeune démocratie. 



La Tunisie doit éviter le piège d'une libéralisation trop rapide, qui serait sûrement calamiteuse pour la stabilité et l'économie du pays. On peut ici faire confiance à l'armée qui, après avoir soutenu la Révolution, saura très certainement veiller à éviter cette dérive. Mais quel régime serait capable de concrétiser cela politiquement?

L'idéal serait l'émergence d'un "homme providentiel", qui, soit par un autoritarisme populaire de type bonapartiste, soit par un pouvoir présidentiel fort, saurait conserver les acquis de la Révolution, satisfaire les classes populaires, et préserver l'intégrité de la nation. On peut aussi imaginer la naissance d'une démocratie parlementaire fortement contrôlée par l'armée et la justice, assez proche du parlementarisme turc. 


Que le nouveau pouvoir soit démocratique ou non, qu'il procède d'un homme providentiel ou d'une assemblée, il devra être au plus proche du peuple, et savoir combiner habilement aide sociale et relance économique, autoritarisme et liberté d'expression, nationalisme et relance de la diplomatie. Il faudra se méfier d'une démocratisation et d'une libéralisation excessive. En clair, choisir un De Gaulle plutôt qu'une IVème République, un Poutine plutôt qu'un Elstine.


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La tâche sera rude, et les choix sont limités. Si elle débouche sur un régime similaire au précédent, la Révolution aura été un échec; et elle aura même été contre-productive si elle donne le pouvoir à pire que Ben Ali. Voilà pourquoi les réjouissances de la jeunesse tunisienne semblaient fortement prématurées. Toute révolution, pour être gagnée, nécessite de la bravoure, et les révolutionnaires qui ont affronté les milices de Ben Ali en ont fait preuve; mais elle nécessite aussi du discernement. Soyons optimistes et gageons que les élites, l'armée et le peuple tunisiens, sauront faire preuve de cette sagesse qui leur permettra d'assurer la vraie réussite de leur Révolution.

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